Quand le Père Clément s’est inscrit à l’externat classique Saint Jean Eudes, il a été initié comme plusieurs d’entre nous ici présent à une certaine connaissance de la langue latine et grecque. C’était le début de son intérêt pour la qualité de la langue à travers les versions latines et grecques que nous étions invités à pratiquer.

Après avoir fréquenté l’Université Laval pour obtenir un premier diplôme en lettres classiques, il ne se doutait pas qu’il reviendrait enseigner dans ce collège de la Basse-Ville. A mon arrivée à Québec, en classe de Belles-Lettres où il était le titulaire, il m’a impressionné par sa passion, par sa rigueur, par sa compétence. Sans préjudice pour mes professeurs antérieurs, j’ai senti que je passais à un niveau supérieur. C’était déjà un amant de la langue et il savait nous guider à travers toutes les subtilités et les exigences de cette langue.

Des années plus tard, après quelques séjours en France, il nous revient Docteur en linguistique et en sémiotique. Tellement à l’avant-garde avec ses nouveaux outils qu’il ne lui est pas facile de trouver un poste dans les structures d’enseignement de la Congrégation au Québec ou en Acadie. On lui ouvre une porte à l’Université du Québec à Trois-Rivières qui inaugure un nouveau département de linguistique. Ce mariage a si bien fonctionné qu’il y est resté plus de 40 ans.

Nous qui sommes rassemblés ici autour du Père Clément, nous qui l’avons connu à différentes étapes de son histoire, qu’allons-nous retenir du passage de cet homme parmi nous ? Nos expériences avec lui sont diverses, mais il pourrait y avoir un trait essentiel qui se dégage de sa vie. J’ai cherché un des traits constants de sa vie et je vous propose cette image qui pourrait le caractériser :
Toute sa vie, il a aimé le Verbe.

A partir de son cadre universitaire, il a diversifié ses champs d’intérêt allant des Contes populaires de la Mauricie à l’Empire du Sacre, de la lecture de textes de la Bible avec une équipe d’exégètes de chez nous, et reprenant le contenu de sa thèse en sémiotique qui analysait des textes de Saint Jean Eudes, il s’intéressait à la relecture des textes spirituels d’auteurs du XVIIè siècle.

Tout en respectant la méthode sémiotique qui lui était chère, mais un peu hermétique pour le tout venant, il s’est même astreint à quelques études plus brèves, sans l’outillage universitaire, pour tenter de rendre plus accessibles les trouvailles qui lui tenaient à cœur.

L’homme, Fidèle à lui-même
Le Père Clément a été un homme droit, direct, exigeant, qui a toujours poussé ses étudiants à se donner au meilleur de leurs capacités. Humaniste, il admirait les capacités des humains. En plus d’avoir été professeur, il a été aussi l’aumônier du groupe des Pionniers qui a réussi à se mériter, à 2 reprises, un badge spécial qu’on appelle l’Annapurna – Pour arriver à cela, il fallait que la troupe des Pionniers présente un projet, jugé exceptionnel sur le plan de l’originalité et de l’exemplarité. Cette décoration fort convoitée et très stimulante, était remise par le Gouverneur général du Canada, le Chef scout au pays.

Le Père Clément possédait toutes les qualités de l’homme classique qui se rencontraient chez les auteurs qu’il enseignait : Intelligence, volonté, devoir, … homme libre.
Il est resté, pendant toutes ses années de vie, le prêtre-enseignant qui s’est perfectionné et à contribué à l’avancée des méthodes d’analyse de la langue.

Les membres de la famille et les anciens étudiants que nous sommes savent que notre fondateur SJE a fait le cadeau immense, à sa Congrégation et à toute l’Église, de sa dévotion au Cœur de Jésus et de Marie. Le Père Clément a voulu s’attaquer à l’œuvre écrite du fondateur pour en dégager des éléments de compréhension, intuitionnés, mais jamais encore démontrés systématiquement par une méthode d’analyse. Travail de moine à l’intérieur des 12 tomes publiés du fondateur.
Il a réussi a démontrer que le mot « Cœur » retenu par SJE peut signifier non seulement le cœur physique mais encore le chemin mystique d’inclusion qui conduit au cœur de la personne aimée. L’exemple le plus éclairant : cette phrase courte de Jean Eudes : Le Cœur de Marie : c’est Jésus. Et par conséquent, pour tout baptisé, le chemin de la vie chrétienne, c’est de faire de Jésus, le centre de son cœur et de se retrouver avec tous les saints inclus aussi dans le Grand Cœur de Jésus.

C’est l’héritage précieux que le Père Clément nous laisse, avec toute la rigueur de sa pensée. Nous pouvons lui en être reconnaissants.
Et il nous disait dans ses derniers mois, qu’il n’avait pas encore fini d’écrire les choses qu’il avait à dire.

Toute sa vie s’est déroulée à la recherche du sens, de la vérité qui se cache sous les mots, sous les divers niveaux de langage et d’écriture.
C’est pourquoi j’ai fait référence, dans l’Évangile choisi, à l’Évangile de Saint Jean qui commence par cette affirmation : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. A la différence des évangiles de Matthieu, Marc et Luc qui présentent la naissance de Jésus puis sa vie et son ministère, l’évangile de Jean présente Jésus comme la Parole de Dieu qui était au commencement de tout. Comment comprendre cette parole ?
« Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. » Dieu se trouve donc au début, pendant et à la fin de notre vie.

Seigneur Jésus, je remets entre tes mains la vie de Notre frère Clément. Je te bénis car tu as suscité, par lui, tant de belles choses dans nos vies, celles de nos familles et celles de la communauté. Lui qui toute sa vie a contemplé le Verbe de nos langages, le Verbe de nos existences, le Verbe qui est auprès de toi, remplis-le de ta Lumière et de ta Vérité, pour qu’il chante ta gloire avec tous ceux et celles qu’il a aimés. Amen